« Il est plus que temps de rétablir l’équilibre et d’offrir aux citoyens un vrai droit d’accès à l’information et une meilleure protection des renseignements personnels »
– JEAN CHARTIER, président de la Commission d’accès à l’information
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Québec, le 3 octobre 2016 – C’est avec ces mots que le président de la Commission d’accès à l’information, Me Jean Chartier, s’est exprimé aujourd’hui lors de la présentation du rapport quinquennal 2016 de la Commission. Des mots forts, qui traduisent bien la pertinence et la force de l’ensemble des 67 recommandations proposées au gouvernement dans le cadre de l’exercice d’analyse de l’application de la Loi sur l’accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels (Loi sur l’accès) et de la Loi sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé (Loi sur le privé).
La Loi sur l’accès a plus de 35 ans et celle s’appliquant aux entreprises privées plus de 20 ans; elles n’ont jamais été revues en profondeur. Or, depuis ce temps, bien des choses ont changé : la société a évolué, de nouveaux besoins ont émergé, de nouvelles technologies ont fait leur apparition. Tout cela a eu pour effet de rendre caduques certaines dispositions de ces deux lois. De plus, leur priorité a été affaiblie par un nombre important de dispositions d’autres lois qui restreignent l’accès aux documents ou qui diminuent la protection des renseignements personnels. Tout cela préoccupe la Commission au regard de ces enjeux d’importance dans la société d’aujourd’hui.
La transparence : une valeur à réaffirmer dans la loi
La transparence de l’État constitue une des valeurs phares de la société québécoise. C’est pourquoi la Commission recommande notamment, que la Loi sur l’accès vise un plus grand nombre d’organismes publics. Pour la Commission, il est indispensable que la Loi sur l’accès s’applique à toute entité substantiellement financée par l’État ou qui exerce une fonction de nature publique, de même qu’aux filiales qui lui sont rattachées directement ou indirectement.
De plus, la Commission souhaite que les exceptions qui permettent de ne pas donner accès à certains documents soient revues en entier.
« C’est d’ailleurs sur ce point que le Québec est le plus en retard face aux législations des autres provinces et des standards modernes internationaux. Il est primordial qu’un coup de barre soit donné afin de corriger cette situation qui constitue un frein à la transparence de l’État », a poursuivi Me Chartier.
La Commission recommande que ces motifs de refus soient plus précis et qu’ils soient limités dans le temps, qu’il ne soit plus possible pour les organismes publics de refuser l’accès à des documents à moins de démontrer un risque de préjudice qui résulterait de la divulgation et enfin, que l’intérêt public ait la priorité.
La collecte des renseignements personnels : protection et responsabilité
« Tous les jours nous sommes sollicités par les médias sociaux, les sites d’achats en ligne, les programmes de fidélisation, les applications mobiles, mais aussi par un employeur, un assureur ou une entreprise avec laquelle on fait affaires. Nos renseignements personnels constituent la monnaie d’échange que nous offrons aux autorités publiques et aux entreprises sans trop savoir ce qu’ils en feront. Les lois doivent être modifiées pour affirmer la responsabilité des entreprises et apporter des réponses aux questions préoccupantes et urgentes entourant, notamment la collecte, l’utilisation, la sécurité et l’exportation de ces renseignements », a expliqué Me Chartier.
Par exemple, l’utilisation des renseignements génétiques est de plus en plus répandue dans notre société. Ce type de renseignements est extrêmement sensible, car il révèle notamment des caractéristiques médicales et personnelles qui peuvent permettre d’identifier une personne. Ces renseignements peuvent servir à discriminer des personnes, par exemple dans les domaines de l’emploi et de l’assurance. La Commission propose que ces renseignements servent uniquement à des fins médicales, scientifiques ou judiciaires et que toute autre forme d’utilisation soit interdite.
Par ailleurs, les systèmes de mesures biométriques (saisie d’empreintes digitales, reconnaissance oculaire, etc.) sont utilisés par de plus en plus d’entreprises privées et d’organismes publics. Ces derniers doivent être conscients de leur responsabilité face à ces renseignements autant sur les plans de l’atteinte à la vie privée que sur celui du stockage et de la conservation des données. La Commission recommande que la création de tout système biométrique soit accompagnée d’une analyse des risques et des impacts avant sa mise en place.
Devant le nombre croissant des fraudes d’identité, la Commission suggère que les organismes publics et les entreprises privées victimes d’un incident de sécurité impliquant des renseignements sur des citoyens soient obligés de lui déclarer ces incidents. De plus, elle souhaite, tout comme le gouvernement, que ces mêmes acteurs soient contraints d’aviser les personnes dont la confidentialité des renseignements personnels a été compromise par l’incident.
Des données ouvertes : un plus pour la démocratie et une préoccupation pour la vie privée
Les données ouvertes sont des données accessibles à tous que l’on peut utiliser librement en tout temps et en tout lieu. Des organismes publics diffusent déjà de telles données sur le site Web Données Québec.
La Commission est d’avis qu’il faut aller plus loin dans cette voie en adoptant le principe d’ouverture par défaut des données détenues par les organismes publics. La Commission croit également que la diffusion de jeux de données permet de favoriser la démocratie et la participation de citoyens.
Toutefois, cette diffusion ne doit pas porter atteinte à la vie privée des citoyens. Ainsi, si le gouvernement souhaite permettre la diffusion de jeux de données contenant des renseignements anonymisés au sujet d’individus, la Commission recommande d’adopter un encadrement clair et de prévoir des limites à l’utilisation et à la circulation des données. L’enjeu ici est d’éviter que les individus soient identifiés en croisant leurs données, même anonymisées, avec d’autres données disponibles. Il ne suffit pas de retirer le nom d’une personne pour qu’on ne puisse pas l’identifier.
Ces propositions constituent un bref aperçu des 67 recommandations qui ont été élaborées dans le cadre de la rédaction du Rapport quinquennal 2016, intitulé Rétablir l’équilibre. Ce titre met en lumière le travail à accomplir et la cible à atteindre pour améliorer l’accès aux documents tout en assurant la protection des renseignements personnels. Rappelons que la Commission doit produire un tel rapport tous les cinq ans conformément aux dispositions de l’article 179 de la Loi sur l’accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels et de l’article 88 de la Loi sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé.